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Séminaire d'Analyse

Les courants à l'appui des questions d'effectivité en géométrie complexe

Alain Yger, IMB

Salle de Conférences

le 03 février 2014 à 14:00

Il est aujourd'hui bien connu qu'en géométrie complexe multivariables les courants (c'est-à-dire les formes différentielles à coefficients distributions) fournissent des outils \og souples\fg\ (au sens où l'entendait Pierre Lelong) qui s'avèrent être utiles (et parfois même indispensables) lorsqu'il s'agit de rendre effectifs certains concepts ou méthodes d'obédience algébrique. Ils permettent essentiellement de disposer, outre les nn degrés de liberté matérialisés par les coordonnées \og holomorphes\fg\ z1,...,znz_1,...,z_n, de leurs \og doubles\fg, à savoir les coordonnées \og antiholomorphes\fg\ zˉ1,...,zˉn\bar z_1,...,\bar z_n qui, d'une part, ont vocation à être traitées comme des \og constantes\fg\ dans les calculs algébriques (zˉj/zk=0\partial \bar z_j/\partial z_k=0, 1j,kn1\leq j,k\leq n) et, d'autre part, permettent de rendre compte de l'importante notion de positivité (z2=1nzjzˉj0|z|^2 = \sum_1^n z_j\, \bar z_j\geq 0). Pareilles idées \og complexes\fg\ de nature \og courantielles\fg\ ont même récemment inspiré des méthodes dans le cadre \og réel\fg\ (au lieu de \og complexe\fg), par exemple en géométrie tropicale ou en géométrie analytique dans le cadre ultramétrique au lieu qu'archimédien (espaces de Berkovich), où l'idée d'introduire et de manipuler des une conjugaison complexe \og fantôme\fg\ et donc un (pseudo)-opérateur de Monge-Ampère dddd^\sharp (en place de ddcdd^c) s'est avérée intéressante (voir par exemple les travaux récents d'Aron Lagerberg, repris par Antoine Chambert-Loir et Antoine Ducros). \vskip 1mm \noindent Introduire des courants afin de matérialiser ou représenter les êtres algébriques ou géométriques permet de concilier les exigences locales avec des contraintes semi-locales, voire globales (courants d'intégration, courants résiduels, courants positifs extrémaux, nombres de Lelong de courants positifs {\it etc.}). Mais il y a pour cela un prix à payer : faire appel à la théorie des courants (de manière à ce qu'elle puisse s'avérer un auxiliaire utile) implique simultanément un processus de \og moyennisation\fg~: la construction par exemple des courants du type Bochner-Martinelli (for utiles aujourd'hui car ils fournissent d'explicites réalisations \og courantielles\fg\ de la dualité au sens de Grothendieck) se fait essentiellement en moyennisant le noyau de Cauchy (lui, être de nature \og algébrique\fg) {\it via} l'application moment d'une variété torique ou en se pla\c cant dans le contexte géométrique des fibrés holomorphes hermitiens~; celle de représentants courantiels effectifs en théorie de l'intersection impropre qui concilient exigences locales et globales {\it via} la formule de Crofton~; celle enfin de réalisations effective de la hauteur en géométrie diophantienne (penser par exemple à l'expression de la mesure de Mahler ou à celle de la fonction de Ronkin d'une amibe) {\it via} la construction de courants de Green suivant la \og multiplication\fg\ introduite par Bost-Gillet-Soulé. On dispose ainsi d'autant d'exemples de pareil fait, à savoir l'inéluctabilité de la \og moyennisation\fg. Dans cet exposé, bien loin évidemment d'être exhaustif, je présenterai certain de ces exemples, en particulier en relation avec mes travaux récents avec Mats Andersson, Denis Eriksson, H\aa kan Samuelsson, Elisabeth Wulcan à G"oteborg (inspirés à la base de résultats établis avec Mikael Passare et August Tsikh en 2000) ou avec de nouveaux résultats relevant du cadre tropical (par exemple la thèse de Farhad Babaee, dans le sillage d'un travail de Jean Pierre Demailly en relation avec la conjecture de Hodge en 1982). Je discuterai les aspects positifs, mais aussi les limites des méthodes et donc aussi les points négatifs (je pense par exemple à la quête d'un conjecturel théorème de Brian\c con-Skoda arithmétique). L'exposé entend donc être une invitation piétonne à de telles méthodes d'inspiration \og courantielle\fg, mettant l'accent sur des avancées positives récentes auxquelles elles ont contribué (parfois seulement en fournissant de nouveaux éclairages), mais aussi leurs limites, ce lorsque l'on entend confronter pareilles méthodes aux questions d'effectivité en géométrie complexe.